Autour du Brahmapoutre

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Tiwa-Lalung

Le cas Tiwa-Lalung montre qu'il est possible de documenter «en temps réel» la complexité des interactions entre milieux et pratiques, organisation sociale, langue et identité ethnique.

Inconnue dans les chroniques assamaises, parfois confondue avec les voisins karbi et khasi par les administrateurs britanniques, une entité Lalung apparaît au fil du vingtième siècle: essarteurs des collines, matrilinéaires et parlant leur langue tibétobirmane (boro-garo). Des observateurs extérieurs font bientôt le rapport avec des riziculteurs des piémonts qui disent être venus des mêmes collines, parlent un idiome similaire (tibéto-birman) mêlé d'éléments assamais, mais sont pourtant patrilinéaires et semblent hésiter entre deux labels ethniques : Lalung et Tiwa. Dans les années 1970, un revivalisme ethnique milite pour l'autonomie d'un groupe qui se fait appeler désormais exclusivement Tiwa. Issu de la plaine, il intègre à présent les gens des collines. Difficile d'associer un ensemble de traits culturels à ce groupe que l'on pourrait trop vite considérer comme un artifice politique récent.

Pourtant il existe un lien historique ancien entre les Tiwa d'en haut et ceux d'en bas, entre les patrilinéaires et les matrilinéaires, entre les hindous, chrétiens et «animistes», entre ceux parlant tiwa et ceux parlant assamais. Ce lien, c'est une allégeance commune à de petits raja, aujourd'hui rois rituels, mais dont les ancêtres étaient chargés par les Etats voisins de protéger les marchés des duar (passages entre collines et plaine). Ce qui suggèrerait que les Tiwa doivent leur existence non pas à une homogénéité ni à un conservatisme culturel, mais à leur position géopolitique entre deux mondes qui ont besoin d'eux pour communiquer.

On espère pouvoir approfondir les recherches sur ce terrain Tiwa, qui suscite des interrrogations sur les déterminations croisées des choix culturels, linguistiques et ethniques chez les populations des «marges». Nous poursuivons cette étude dans le cadre d'une comparaison avec d'autres groupes (Karbi, Dimasa), qui, dans des situations géopolitiques et écologiques similaires, semblent avoir adopté d'autres options, les uns d'ouverture totale aux apports et aux échanges extérieurs, les autres de repli, d'autres encore la subdivision interne. Pour aller plus loin que ces constats, les compétences linguistiques et géographiques sont indispensables, par exemple pour estimer la palette des choix. Les retombées théoriques sont nombreuses. Peut-on par exemple ré-évaluer le fameux «modèle oscillatoire» proposé par Edmund Leach pour rendre compte des relations Kachin/Shan en Haute Birmanie? On voudrait aussi savoir dans quelle mesure, comme l'a brièvement suggéré Roy-Burman, la genèse même des «tribus» se situe dans leur rôle soit de tampon soit de pont (buffer/bridge role) entre les sociétés à Etat.

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